Contribution de Romain ESKENAZI à la consultation publique sur l’étude d’impact selon l’approche équilibrée de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

1. Un contexte d’urgence et la nécessité d’une approche intégrée

En tant que député de la 7E circonscription affectée par les nuisances aériennes, rapporteur sur le volet aérien du budget 2025, je me permets pour commencer, de souligner que la démarche actuelle, focalisée sur l’interdiction progressive des avions les plus bruyants, ne constitue qu’une réponse partielle aux défis posés par un trafic aérien en constante augmentation. La consultation publique sur l’EIAE (étude d’impact selon l’approche équilibrée) se présente aujourd’hui comme un leurre, dans la mesure où elle occulte la mesure indispensable de régulation du volume global de trafic, notamment par l’instauration d’un plafonnement et d’un couvre-feu. Il est impératif de considérer l’ensemble des aspects techniques, santitaires et environnementaux pour garantir une protection réelle des populations.

Le règlement européen 598/2014 permet d’évaluer l’intégralité des mesures de restriction d’exploitation. Pourtant, les choix déjà actés par le Préfet excluent une limitation directe du trafic aérien et la mise en place d’un couvre-feu, se concentrant uniquement sur l’interdiction de certains types d’appareils. Une telle approche, déconnectée des attentes des riverains et des exigences de santé publique, est inacceptable dans un contexte où les projections de trafic annoncent une hausse dramatique, aggravant ainsi les nuisances sonores.

A. Une exposition chronique et des impacts sur la santé

Les populations résidant dans les zones survolées par l’aéroport de Roissy subissent quotidiennement des nuisances sonores à des niveaux qui dépassent largement les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En effet, alors que l’OMS préconise de maintenir le bruit nocturne en dessous de 40 dB pour préserver la santé, des dizaines de milliers d’habitants se retrouvent exposés à des niveaux bien plus élevés, notamment en raison d’un trafic nocturne dépassant les 50 000 mouvements par an. Cette exposition prolongée conduit à une augmentation significative des risques de troubles du sommeil, de stress chronique, d’hypertension et de maladies cardiovasculaires.

Les analyses de Bruitparif et d’autres organismes indépendants mettent en lumière la détérioration de la qualité de vie des riverains. La situation se trouve encore aggravée par la prévision d’un trafic atteignant 522 000 mouvements en 2030, un chiffre qui ne laisse présager aucune amélioration du cadre de vie, au contraire d’une aggravation des impacts sanitaires.

B. La limitation des mesures actuelles et l’absence de régulation du trafic

Il est regrettable de constater que la consultation se limite à des mesures ciblées sur l’amélioration des performances acoustiques des avions – via l’interdiction progressive des appareils dont la marge acoustique cumulée serait inférieure à 17 EPNdB – alors que l’élément fondamental qui conditionne l’impact global reste la densité du trafic aérien lui-même. L’absence de mesures visant à réduire le nombre total de mouvements aériens, en particulier de nuit, ne permet pas d’agir sur la source du problème. Les restrictions existantes ne compensent pas l’effet cumulatif d’une augmentation continue du trafic.

2. Propositions techniques pour réduire les nuisances sonores à la source

A. Gestion dynamique et optimisation des trajectoires de vol

  • Coordination en temps réel: Instaurer un système de gestion dynamique des trajectoires de vol permettant d’adapter en temps réel les itinéraires des avions.
  • Itinéraires alternatifs: Développer des trajectoires spécifiques et des itinéraires alternatifs qui privilégient les zones moins exposées.

B. Optimisation des procédures d’approche et de décollage

  • Descente continue H24: Généraliser la mise en place de la descente continue sans palier.
  • Augmentation de l’angle d’atterrissage: Modifier l’angle d’atterrissage pour réduire la zone au sol affectée par le bruit.
  • Décollage en seuil de piste: Encourager l’utilisation du décollage en seuil de piste.
  • Abolition des décollages en vent arrière prolongé: Supprimer la procédure de décollage en vent arrière prolongé.

C. Réduction et synchronisation des temps de roulage

  • Synchronisation des mises en route: Mettre en œuvre une synchronisation rigoureuse des autorisations de mise en route.
  • Surveillance environnementale: Installer des capteurs supplémentaires de qualité de l’air aux abords de l’aéroport.

3. Renforcement des restrictions techniques et accélération du renouvellement des flottes

A. Imposition de normes acoustiques strictes

  • Restriction basée sur la marge acoustique cumulée: Interdire l’exploitation des avions présentant une marge acoustique cumulée inférieure à 17 EPNdB.
  • Abaissement des seuils de bruit certifiés: Fixer des seuils de bruit plus stricts pour les phases d’approche et de survol.

B. Incitations économiques pour la transition vers des flottes moins bruyantes

  • Taxation des appareils bruyants: Mettre en place une fiscalité écologique spécifique visant les avions ne respectant pas les normes acoustiques.
  • Subventions et aides à la modernisation: Encourager les compagnies aériennes à investir dans des technologies et des avions à faibles émissions sonores.

4. Régulation du trafic aérien : Plafonnement et couvre-feu

A. Plafonnement du trafic

  • Fixer un seuil maximal de mouvements: Proposer un plafonnement du nombre de mouvements annuels à un niveau proche des chiffres pré-Covid, soit environ 440 000 à 500 000 mouvements.
  • Réévaluation des projections de trafic: Revoir l’hypothèse de trafic fixée à 522 000 mouvements en 2030.

B. Instauration d’un couvre-feu nocturne renforcé

  • Instaurer un couvre-feu strict entre 22h00 et 06h00: Réduire significativement le nombre de mouvements pendant les heures les plus sensibles.
  • Exemples et bonnes pratiques: S’inspirer des pratiques en vigueur dans d’autres aéroports européens, tels que Francfort.
  • Contrôle et sanctions: Mettre en place un dispositif de contrôle rigoureux avec des sanctions dissuasives.

5. Dispositif de suivi et d’évaluation : Vers une amélioration continue

  • Indicateurs de suivi: Mettre en place des indicateurs précis pour mesurer l’impact des restrictions.
  • Bilan périodiques: Organiser des évaluations à court et moyen terme.
  • Instance de concertation: Créer une commission réunissant des élus, des représentants des associations de riverains, des experts techniques et des compagnies aériennes.

6. Conséquences pour les riverains et impératifs sanitaires

Les données actuelles montrent une augmentation significative de la population affectée par les nuisances sonores autour de Paris-CDG. Les impacts sur la santé – troubles du sommeil, stress chronique, et risques cardiovasculaires – sont désormais incontestables.

Conclusion : Un appel à une décision courageuse et intégrée

En conclusion, la complexité des enjeux liés aux nuisances aériennes nécessite une approche globale et intégrée. Les mesures que je propose s’articulent autour de trois axes complémentaires :

  • Optimisation des procédures opérationnelles et réduction à la source.
  • Renforcement des restrictions techniques et accélération du renouvellement des flottes.
  • Régulation ferme du trafic aérien.

Ces propositions, accompagnées d’un dispositif de suivi et d’évaluation rigoureux, permettront d’assurer une amélioration durable de la qualité de vie des riverains tout en répondant aux défis sanitaires, environnementaux et climatiques actuels.